Les mystérieuses origines de la ponctuation

Les mystérieuses origines de la ponctuation

Nous sommes habitués aux nombreux signes de ponctuation qui structurent nos grammaires et nous aident à transformer les lettres en mots et en représentations mentales. Or, la ponctuation n’est apparue que plusieurs milliers d’années après l’écriture. Pourquoi ?

Au IIIe siècle avant J.-C., la bibliothèque d’Alexandrie compte des milliers de manuscrits, écrits en majuscules, sans espaces ni ponctuation. Il incombe au lecteur de trouver lui-même la fin des mots et des phrases, et il est impossible de comprendre un texte à sa première lecture, ce qui ne pose pas de problème majeur dans la Grèce et la Rome antiques où l’éloquence de l’orateur l’emporte sur le texte lu. Aristophane, grammairien grec et directeur de la célèbre bibliothèque, propose alors que les lecteurs annotent les manuscrits avec des points alignés en haut, au milieu et en bas des lignes, selon la longueur de la pause observée par l’orateur : une courte pause indiquée par un komma, une pause longue par un kolon, une pause très longue par un periodos. La première forme de ponctuation était née.

Les Romains, après avoir brièvement expérimenté la découverte d’Aristophane, l’ont abandonnée dès le IIe siècle après J.-C., lorsque Cicéron a déclaré devant une audience admirative que la contrainte du rythme seule devait indiquer la fin de la phrase, et non la pause de l’orateur ou les points du copiste.

Il faut attendre la chute de l’Empire Romain en 476 et l’avènement du Christianisme, qui véhicule la parole divine par des psaumes écrits décorés d’enluminures, pour ressusciter l’invention d’Aristophane. Au VIIe siècle, l’évêque Isidore de Séville, relie pour la première fois la ponctuation au sens. Il propose que le point, distinctio finalis, marque la fin de la phrase. Puis des moines irlandais et écossais, fatigués par la lecture de mots latins peu familiers en continu, inventent les espaces entre les mots. C’est au VIIIe siècle que l’empereur Charlemagne demande au théologien anglais Alcuin, directeur de l’école palatine d’Aix la Chapelle, d’imaginer un alphabet lisible par tous ses sujets : Alcuin invente alors les minuscules (ou caractères en bas de casse), rendant la ponctuation indispensable.

Inspirés des partitions de chants grégoriens, les punctus versus, punctus elevatus (ancêtres du point- virgule et des deux points) et le punctus interrogatus sont créés, tandis que le point d’exclamation n’apparaîtra qu’au XVe siècle. Les trois points d’Aristophane perdent alors de leur utilité et sont remplacés par un point final unique, indiquant une pause d’une longueur indéterminée. Au XIIe siècle, le grammairien italien Boncompagno da Signa propose une ponctuation unique à deux signes, la barre oblique et le tiret, qui deviendra la virgule.

À la Renaissance, la ponctuation, héritage mêlé de l’invention d’Aristophane et de symboles médiévaux, est prête pour l’imprimerie. La Bible de Gutenberg, reproduisant la Vulgate traduite par Saint Jérôme en deux volumes in-folio et la standardisation imposée par l’imprimerie, figent l’évolution de la ponctuation en fixant ses symboles dans le plomb.

De nos jours, la ponctuation est l’un des éléments essentiels, notamment dans le domaine de la traduction. Il est capital pour un traducteur de connaître les subtilités des signes de ponctuation de la langue source pour pouvoir les retranscrire dans leur subtilité propre à la langue cible, sans altérer le sens global du texte.

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